Preuve et contentieux prud’homal

Preuve et contentieux prud’homal

Par principe, la loyauté de la preuve doit gouverner le litige prud’homal. 

Ainsi, l’employeur, ou le salarié, ne peut pas collecter des éléments de preuve de manière déloyale ou intrusives (enregistrements audios sans autorisation, système de vidéosurveillance non déclarée aux instances et organismes, …). La preuve doit être obtenue de façon transparente et non intrusive, en particulier lorsqu’elle concerne des données personnelles.

Toutefois, depuis plusieurs mois, la Cour de cassation assoupli ce principe et admet la production de preuves dites déloyales sous certaines conditions.

Notre cabinet en droit du travail à Lille synthétise cette jurisprudence : 

LES conditions à l'admission de la preuve "deloyale"

L’analyse de la jurisprudence récente permet de dégager deux conditions strictes et cumulatives qui, si elles sont réunies, permettent aux juges du fond d’admettre la production d’une preuve pourtant déloyale.

Ces deux conditions sont les suivantes :

  • Le seul élément permettant d’établir la réalité des faits ;
  • L’atteinte au droit de la partie adverse (et particulièrement le droit au respect de la vie privée) est strictement proportionnée au but poursuivi. 
Ass. Plén, 2 décembre 2023, n°20-20.648 – Cass. Soc, 4 février 2024, n°22-23.073
 

La décision de la cour de cassation du 22 janvier 2025

Dans une décision du 22 janvier 2025 (n°22-15.793), la Cour de cassation en fait une nouvelle illustration : 

Dans cette affaire, la Société, défenderesse, exerce une activité de centre d’appels.

Dans un objectif d’analyse des données de l’activité, elle a mis en place un logiciel de gestion permettant l’enregistrement des données des appels (durée, nombre d’appels reçus, nombre d’appels émis) ainsi que l’enregistrement du contenu des conversations. Ce logiciel avait, en réalité, pour finalité d’exploiter les données personnelles et de contrôler l’activité des salariés.

Or, la mise en place de tels systèmes est subordonné au respect, par l’employeur, d’obligations d’information : des salariés, des représentants du personnel et, selon le cas, de la CNIL.

En l’espèce, l’employeur avait mis en place ce système sans information des salariés. 

Ce système était donc impropre et, par conséquent, ne pouvait fonder un licenciement ni constituer un mode de preuve licite.

Dans cette affaire pourtant, des salariés ont été licenciés du fait de leur mauvaise volonté délibérée (ne pas décrocher certains appels, laisser trainer des appels, attente longue entre deux appels,…). Pour démontrer de la réalité de ces griefs dans le cadre du litige prud’homal, la Société a produit les données issues du logiciel de gestion.

 

La Cour de cassation valide le recours à cette preuve en se fondant sur les éléments suivants : 

  • L’employeur n’a produit que les données relatives au nombre d’appels entrants et sortants ainsi que les temps d’attente et leur durée, mais pas leur contenu.
  • L’employeur a eu recours à un constat d’huissier pour produire ce relevé.

La Cour a donc fait un véritable contrôle de proportionnalité.

La Haute juridiction conclue que : « cette production d’éléments portant atteinte à la vie privée des salariées était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur au bon fonctionnement de l’entreprise.« 

 

ce qu'il faut retenir

En résumé, les preuves issues d’outils non respectueux des règles relatives au RGPD et aux dispositions légales d’information préalable, sont déloyales.

Toutefois, s’il s’agit de l’unique moyen de preuve à la disposition de l’employeur, cette preuve pourra toutefois être prise en compte par les juges du fond.

 

🚨 IMPORTANT : il n’en demeure pas moins qu’il est nécessaire de sécuriser le recours à ces outils, en amont : système de vidéosurveillance, logiciels de gestion des temps, systèmes de géolocalisation, …

Nous vous conseillons et vous assistons dans la mise en place de tels outils de contrôle et pour toutes vos questions relatives au RGPD.